De
excidio reliquiarum – de l'exil des reliques
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Le
prestige des saints bretons serait sans doute moins grand s'ils
n'avaient voyagé, tant de leur vivant entre la Grande-Bretagne
et le continent qu'après leur mort, où les invasions normandes
ont entraîné une mobilité considérable des reliques, que les
moines des abbayes bretonnes voulaient à tout prix sauvegarder.
Si
le IXe siècle a été une période importante d'incursions et
de pillage par les Normands, les choses s'aggravent pour la
Bretagne au Xe siècle : en effet, les Normands s'installent désormais
à demeure, comme les chroniques historiques l'indiquent :
- en 911, le roi Charles le Simple, par le traité de
Saint-Clair-sur-Epte, donne au chef norvégien Rollon les comtés
(ou évêchés) de Rouen, Lisieux et d' Evreux, en échange d'un
hommage au suzerain et du baptême (le chef normand reçoit le
prénom Robert).
- en 924, le roi Raoul, successeur de Charles le Simple, cède
à Rollon les diocèses de Sées, du Mans et de Bayeux, afin de
maintenir l' hommage au suzerain.
- en 933, Guillaume Longue Epée, fils de Rollon, confirme son
hommage en se voyant attribuer les diocèses de Coutances et d'
Avranches, d'où il doit chasser les Bretons qui en étaient les
seigneurs reconnus.
A partir de 911, les Normands considèrent la Bretagne comme une
terre ouverte au brigandage et aux rapines. La déliquescence de
l'autorité des rois bretons est totale, même les plus
courageux des seigneurs ont fui auprès du roi d'Angleterre
Athelstan.
Les destinations des corps des
saints ont été très diverses, si bien que la documentation
existante est particulièrement éparse. Cette page est donc une
tentative de regroupement des informations multiples, et l'essai
d'une structuration des informations diverses disponibles en de
nombreux endroits.
Le choix a été fait de ne pas exclure de cette liste les
saints bretons ayant émigré en Francia de leur vivant. Ils
sont peu nombreux, et peuvent trouver leur place dans ce cadre.
En font partie : le plus célèbre d'entre eux, saint Josse,
mais aussi saint Winoc et quelques autres saints moins connus.
Saint Colomban y figure aussi, bien qu'il soit d'origine
irlandaise ; mais il est surtout connu en France pour la
fondation de l'abbaye de Luxeuil.
On trouvera ci-dessous des informations sur la localisation (définitive
ou temporaire) des reliques, leurs partages ultérieurs et leurs
destructions éventuelles, et si possible, l'état des lieux
actuel du domaine d'enquête.
Les
extraits d'Albert Le Grand et de Dom Lobineau sont parfois
concordants et parfois contradictoires, comme on pourra le voir.
De plus, l'abbé Tresvaux a complété les textes de Dom
Lobineau, et ses apports sont reconnaissables, à ce qu'ils sont
facilement datables d'après 1725, date de publication de
l'ouvrage de Dom Lobineau, et surtout d'après la Révolution, où
beaucoup des reliques furent détruites.
Pour
simplifier ce document, deux types d'entrée ont été créées
:
- par nom de saint,
-
par nom d'abbaye (en Bretagne ou ailleurs).
Cette
page sera enrichie régulièrement, mais les sept saints
fondateurs bretons y figurent déjà.
SAINTS
Brieuc
(saint).- L'évêché qui porte son nom était, comme ceux de
Saint-Pol de Léon, de Tréguier et de Dol, issu de partitions
des anciennes cités gallo-romaines. Selon
Albert Le Grand,
les reliques (le corps entier) de saint Brieuc furent transportées
par Erispoé à Angers à l'abbaye Saint-Serge, où Pierre, évêque
de Saint-Brieuc, alla en 1210 en demander une partie. Il obtint
un bras et deux côtes. Il est intéressant de noter le texte
donné par Albert Le Grand comme étant celui d'une plaque de
marbre qui accompagnait les reliques en 1210 : "Hic jacet
corpus beatissimi Confessoris Brioci Episcopi Britanniae, quod
detulit ad Basilicam istam (quae tunc temporis erat Capella sua)
Ylispodius Rex Britannorum". Ce texte apparaît comme très
postérieur à l'époque d'Erispoé, par la mention "quae
tunc temporis erat Capella sua" à l'imparfait.
Dom Lobineau reprend la même histoire, et corrige le nom d'Erispoé,
en précisant qu'à la lecture de l'inscription ci-dessus,
"tous les assistants, peu instruits de l'histoire, furent
surpris d'entendre nommer un roi qui leur était inconnu, dont
le royaume cependant, ajoutent les mémoires anciens d'où nous
tirons ceci, s'étendait jusqu'au Vendomois." D'où l'on
peut déduire que le texte était très antérieur à 1210,
puisque son contenu surprenait à cette date.
Colomban
(saint).- Saint d'origine irlandaise, on peut le qualifier de
saint européen. Né vers 540, formé à Bangor, son séjour en
Francia passa peut-être par la Britannia Minor. Il fonda
l'abbaye de Luxeuil, puis fut obligé de quitter la Francia et
d'aller vers l'ltalie, où il fonda le monastère de Bobbio. Il
y mourut vers 615. Ses reliques n'y sont pas attestées. Le
chanoine Garaby le donne comme patron de Brelidy, "où l'on
conserve une partie de ses reliques". D'autres reliques
seraient arrivées à Locminé, dont saint Colomban est le
patron ; la chapelle Saint-Colomban, aussi grande que l'église,
communiquait avec elle par un passage intérieur. L'effondrement
de la nef en 1974 entraîna la destruction des deux bâtiments
dont les façades furent cependant conservées. Autrefois, les
fous et les possédés étaient enchaînés pendant 9 jours dans
la chapelle du Mal, attenante à la chapelle Saint-Colomban, en
vue de les guérir. Près de l'autel de la chapelle
Saint-Colomban, on pouvait lire les litanies du saint :
"Saint Columban, patron de Locminé, priez pour nous"
et "Saint Columban, secours des imbéciles, priez pour
nous" (cité par M. Cayot-Délandre dans son ouvrage
"le Morbihan, son histoire et ses monuments" - 1847).
On raconte que des mauvaises langues avaient transformé ces
litanies en un dicton local : "Saint Colomban, patron des
imbéciles, priez pour nous"... Saint Colomban a donné son
nom à plusieurs communes, comme Plougoulm (Finistère),
Saint-Coulomb (Ille-et-Vilaine), Saint-Colomban
(Loire-Atlantique, autrefois Saint-Colombin),
Saint-Colomban-des-Villards (Savoie), mais plusieurs saints ont
porté ce nom.

Saint austère imposant une règle rigoureuse à ses disciples,
il n'a pas laissé que des bons souvenirs sur son passage.
Ainsi, en Savoie, "une vieille légende prétend que
lorsque saint Colomban évangélisa la Tarentaise, il déclara
que toute femme qui se regarderait dans un miroir serait changée
par Dieu en serpent. C'est pourquoi, afin de ne jamais oublier
cette menace, les Tarines auraient, depuis ce jour, enroulé
leurs cheveux comme des serpents et, pour ne point être tentées
de se regarder dans une glace, choisi une coiffure si compliquée
qu'elles sont obligées d'avoir recours à un tiers pour la réaliser".
[ texte noté à l'exposition sur les costumes locaux à
Peisey-Nancroix, Savoie, août 2002. Les femmes tressaient leurs
cheveux, en les allongeant éventuellement avec du raphia, pour
les rouler en "couëches" (en Bretagne, on dirait
"cuches") avant de mettre en place la superbe coiffe
savoyarde à la "Marie Stuart"]
Corentin
(saint).- Evêque de Quimper, "on l'inhuma dans son église
cathédrale, où ses reliques furent conservées avec respect
jusqu'à l'époque des Normands. La crainte qu'on eut alors
qu'elles ne fussent profanées par ces barbares détermina le
clergé de Quimper, en 878, à les retirer du lieu où elles étaient
enfermées. Plus tard, elles furent confiées à Salvator, évêque
d'Aleth, qui, à cause de la guerre dont la province était
menacée, se réfugia en France, emportant avec lui les corps
des principaux saints de la Bretagne. Le prélat arriva à Paris
en 965, et remit son dépôt entre les mains de Hugues-Capet,
alors comte de Paris, qui les reçut avec respect et les fit déposer
en l'église de Saint-Barthélémi en la Cité. Ces saintes
reliques ayant ensuite été partagées entre diverses Eglises,
celles de S. Corentin furent données à la célèbre abbaye de Marmoutier
; mais il en resta quelque portion à Paris, car l'abbaye
de Saint-Victor en a possédé une jusqu'à la révolution.
C'est de Marmoutier que l'Eglise de Quimper obtint, en 1643, un
bras de son saint patron, qui fut honorablement placé dans la
cathédrale, et devint l'objet de la vénération particulière
des fidèles du pays. La révolution a fait perdre ce précieux
dépôt, ainsi que le reste du corps de saint Corentin. En 1809,
on n'en possédait plus à Tours qu'un petit ossement, qui fut
donné à cette époque à M. Dombidau de Crouseilhes, alors évêque
de Quimper ; et ce prélat le fit déposer dans son église cathédrale,
où cette relique est maintenant conservée". (Dom Lobineau,
complété par l'abbé Tresvaux)
Albert Le Grand nous dit que "Ce saint corps demeura à
Kemper jusques à l'an 878 que les Normands ayant pris terre en
Cornoüaille, les Chanoines & Ecclesiastiques de Kemper se
retirerent à Tours, emportans le tresor de leur Eglise, &,
entre autres reliques, le Corps de saint Corentin, qu'ils mirent
en l'Eglise de saint Martin ; depuis, il fut transporté à
Marmoutier, où il est reverement conservé."
Ethbin
(saint).- Né près de Dol en 563, il aurait été moine dans un
monastère de ce diocèse (Taurac), avant de quitter la Bretagne
pour l'Irlande vers 600. Sa mort est datée entre 613 et 643, et
ses lieux de séjour sont mal connus. La commune de Port-Mort
(Eure) affirme détenir sa tombe ; un dolmen de la commune porte
le nom de Table de St Ethbin. Un parchemin contenant une
ancienne vie du saint rédigée au prieuré de la Madeleine en
Pressagny (Eure) aurait été retrouvé en 1972 dans les Pyrénées,
à Saint-Pé de Bigorre.
Gildas
(saint).- Son nom breton est Gweltas. Un prototype Uuiltas-
ou Wiltas- peut correspondre aux deux formes du nom, bretonne et
romane, en évoluant d'abord en Gwiltas; puis en roman, perte du
"w", palatalisation du "G" prononcé en
"J" et lénition du "t" en "d" ;
en breton, évolution du "i" en "e". Ce sont
des mécanismes d'évolution phonétique bien connus. A noter
que le "s" final ne se prononce plus dans les formes
romanes.
Dom Lobineau nous dit que "lorsque les ravages des Normands
obligèrent les évêques et les abbés à mettre à couvert de
la rapacité et de la profanation de ces barbares les sacrés dépôts
qui enrichissaient leurs églises, Dajoc, abbé de Rhuys, cacha
sous l'autel de la sienne, dans le tombeau du saint abbé, huit
de ses plus grands ossements, qui sont encore conservés dans le
même lieu, et emporta le reste avec lui, hors de la province,
c'est-à-dire à Bourg-Déols, dans le Berri, où il y a une église
qui porte nom de Saint-Gildas, laquelle fut bâtie pour les
religieux de Rhuys et de Locminé, par Ebbo, seigneur de ce
canton."
(Ceci se passait vers 920. Bourg-Déols est aujourd'hui Déols,
dans l'Indre. Dom Lobineau nous dit que l'abbaye du lieu fut
supprimée en 1622.)
Mais c'est de l'abbaye de Floriac
(Saint-Benoît-sur-Loire, Loiret) que vinrent au XIe siècle les
restaurateurs de l'abbaye de Rhuys.
Goulven
(saint).- Connu comme évêque de Léon, l'époque de sa vie est
problématique, puisque le Propre de Léon le place au VIIe siècle,
ainsi que Du Paz et Albert Le Grand ; mais le Bréviaire de
Rennes et Dom Lobineau le placent au Xe siècle (choix qui a été
reconnu comme erroné). Il semble avoir eu des liens avec saint
Didier, évêque de Rennes, daté du VIIe siècle. Dom Lobineau
conte sa naissance à Plouider, près de la côte, au lieu
devenu la commune de Goulven. Vers la fin de sa vie, ses mérites
le firent élire évêque de Léon. Dom Lobineau nous dit que
"Après quelques années d'épiscopat, pendant lesquelles
S. Goulven fut obligé de se rendre à Rennes pour quelques
affaires ecclésiastiques, il y fut attaqué de la fièvre, et
sentant ses forces affaiblies, il avertit Maden, son fidèle
ministre, du jour et de l'heure de sa mort, et lui donna la
croix d'or qu'il portait, avec ordre de la mettre dans l'église
qui avait été bâtie auprès de son Peni-ti. Il mourut en
effet le jour qu'il avait marqué, c'est-à-dire le 1er juillet,
et les religieux de saint Melaine enterrèrent son corps dans
leur église, où Dieu a fait de grands miracles par son
intercession. Dans la suite son corps fut levé de terre, et
quelques personnes du pays de Léon obtinrent une jointure d'un
de ses doigts, qu'ils déposèrent dans l'église de
Saint-Goulven [Lire Goulven]. Le reste, selon le P.
Albert le Grand, fut mis partie dans l'église cathédrale de
Rennes, partie dans celle de Saint-Melaine, et une autre partie
dans l'église paroissiale de Goulven en Cornouaille [lire :
Goulien]. Outre l'église bâtie auprès du Peni-ti, qui a
depuis porté le nom de Saint-Goulven, les fidèles bâtirent
une chapelle en son honneur à Odena, où il était né. Les
Actes que nous avons suivis, et qui avaient autrefois été
recueillis par le P. Du Paz, mettent la mort de S. Goulven l'an
600. Le P. Albert le Grand met sa naissance en l'an 540 ; mais
la fausseté de ces dates est prouvée par la mention qui est
faite dans sa vie du comte Even le Grand, des Normands et du
monastère de Saint-Melaine. le monastère de Saint-Melaine n'était
pas encore bâti en 540. Les Normands n'ont commencé à ravager
la Bretagne que dans le IXe siècle, et le comte Even n'a vécu
que dans le Xe siècle, selon le Cartulaire de l'abbaye de
Landevenec. C'est ce qui nous a déterminé à placer S. Goulven
dans le Xe siècle. L'ancien Bréviaire de Léon met sa fête à
neuf leçons le 1er juillet, aussi bien que celui de Dol de l'an
1519, qui ne fait que simple commémoration de ce saint évêque.
On en faisait aussi l'office dans l'abbaye de Saint-Melaine ; et
le diocèse de Rennes l'honore encore."
Albert
Le Grand fixe sa mort à 616, et poursuit : "Son Corps fut
solemnellement inhumé dans l'Abbaye de Saint Melaine lés
Rennes ; & ses Reliques, ayant esté depuis levées de terre
& mises en lieu plus honorable, les Leonnois, à force de
prieres, obtinrent une partie des Ossemens d'une de ses mains,
lesquels, richement enchassez, sont gardez reveremment dans son
Eglise de Goulven, l'un des plus devots Pelerinages de Leon ; le
reste, richement enchassé, fut mis, partie en la Cathedrale de
Saint-Pierre de Rennes, partie audit Monastere de Saint-Melaine,
et autre partie en l'Eglise Parochiale de Goulven, en Cornoüaille."
Extrait du Propre des diocèses de Bretagne, Rhedonis, 25
jan. 1955 :
"Le 4 juillet - Saint Goulven, Evêque et Confesseur.
Rennes, Quimper.
Saint Goulven naquit dans le Léon, de parents fraîchement émigrés
de Grande-Bretagne. Il vécut longtemps dans un ermitage sur le
territoire de Goulven, serait ensuite devenu évêque de
Saint-Pol-de-Léon et se retira de nouveau dans un ermitage au
pays de Rennes où il mourut en 616 croit-on. Il est le patron
de Goulven et Goulien. La cathédrale de Rennes conserve encore
une partie de ses reliques".
Selon
le chanoine Garaby, d'Argentré dit de lui : « Il fut premièrement
successeur de saint Pol, en l'évêché de Léon, et depuis fut
évêque de Rennes. Ayant quelque temps administré sa charge,
il la quitta pour suivre une vie plus austère, se retirant près
du bourg de Saint-Didier, à quatre lieues de Rennes, au lieu
appelé la Motte-Mérioul, dont il fit son ermitage.»
Garaby, qui date sa mort du 1er juillet 616, ajoute que Saint
Goulven avait une soeur nommée Pétronille ; la forme bretonnisée
du nom, "Peronell", de par sa trop grande proximité
avec un adjectif français à sens fortement péjoratif, ne
semble pas avoir été de nature à favoriser l'usage de ce prénom.
Pour en savoir plus, les membres de l'association peuvent
consulter "LA VIE LATINE DE SAINT GOULVEN - TRANSCRIPTION -
TRADUCTION - COMMENTAIRE", par YVES MORICE, mémoire de maîtrise
Année 1999 - 2000 - Université de Haute Bretagne - Rennes 2.
Guenhaël
(saint).- Connu comme successeur (pendant sept ans) de saint Guénolé
à l'abbaye de Landévennec, saint Guenhaël se serait retiré,
après de longues pérégrinations outre Manche, sur l'île de
Groix avec plusieurs moines, puis à l'embouchure du Blavet, sur
la paroisse de Caudan, où se trouvaient les lieux-dits
Saint-Guenhaël (modernisé en Saint-Guenaël) et Locunel, avec
sa chapelle Saint-Guénolé ; les deux sites, voisins, sont
aujourd'hui sur la commune de Lanester. Une urbanisation peu
respectueuse du patrimoine culturel les a privés au XXe siècle
d'un espace public qui aurait pu les mettre en valeur.
La chapelle Saint-Guenhaël faisait partie de l'ancien monastère
édifié par le saint à la fin de sa vie, et où il est décédé.
Jacques le Goualher a écrit, pour Britannia Monastica n°6, une
intéressante étude où il recherche avec des méthodes
scientifiques le chemin de l'exil des reliques de saint Guenhaël
vers 925 depuis Caudan, à destination de Courcouronnes et
Corbeil (Essonne), où les reliques ont été vénérées jusqu'à
la Révolution au prieuré Saint-Guénault. Une recherche des
patronymes proches du nom Guenhaël lui a permis de déceler le
passage probable des moines par Auxerre.
Extrait de "Les Vies des saints de Bretagne" de Dom
Lobineau (édition Tresvaux) : "Le corps de saint Guenaël
fut porté à Vannes et inhumé dans l'église cathédrale où
l'on voit encore son tombeau, et tout auprès un autel qui porte
son nom. En 966, ses reliques furent enlevées de Bretagne, à
cause de la crainte que l'on avait des Danois, portées à
Paris, et déposées ensuite au château de Corbeil, où le
comte Haymon fit bâtir une église à l'honneur de S. Guenaël,
appelé dans le pays S. Guenaut. Ces précieuses reliques étaient
renfermées dans une châsse placée au-dessus du maître-autel
de l'église qui portait le nom du saint, mais elles ont été
perdues dans la révolution, et l'église ne subsiste plus.
Cette église fut augmentée en 1007 par Bouchard, comte de
Corbeil ; il y eut un abbé et quatre chanoines jusqu'au temps
de Louis le Gros, qui en fit un prieuré dépendant de l'abbaye
de Saint-Victor de Paris. C'est de Corbeil, selon le propre
imprimé en 1660, qu'un évêque de Vannes a eu la portion des
reliques de S. Guenaël qui se trouvait dans l'église cathédrale
de ce diocèse, et dont on croit posséder encore quelque
partie. Cette église l'honore comme un de ses patrons, avec
office double le 3 novembre ou le dimanche suivant, et a renvoyé
au 10 du même mois la fête de S. Gobrien, évêque de Vannes,
que les autres églises de la province célébraient le 3.
L'ancien Bréviaire de Léon marque aussi la fête de S. Guenaël
abbé au 3 novembre, avec office de neuf leçons."
Guénolé
(saint).- Si les Normands font leurs premières incursions
en Bretagne vers 840, la situation semble relativement maîtrisée
jusqu'à la mort de Salomon en 874. Ensuite, la situation
devient plus anarchique. Pourtant, il semble que c'est à
l'abbaye de Landévennec que Uurdisten compose la vie de saint
Paul-Aurélien vers 884. Les Normands pillent l'abbaye en 913,
et on peut dater la fuite des moines avec les reliques de saint
Guénolé de cette époque. Finalement, une question se pose :
que restait-il à emporter de Landévennec en 913 si les
Normands avaient tout pillé?
La fuite des moines se fit probablement par le centre de la
Bretagne, avec une halte plus ou moins longue mentionnée à
Pierric, en Loire-Atlantique, où l'église est dédiée à
saint Guignolet ; puis, hors de Bretagne, un séjour à nouveau
assez long au Mans dans la Sarthe (ou à Château-du-Loir, à 35
km au sud-est).
Après le Maine, les moines réapparaissent à Montreuil-sur-Mer
(Pas-de-Calais), où Helgaud, comte de Ponthieu de 886 à 926,
les accueille avec munificence dans l'enceinte (appelée plus
tard "fermeté" d'Helgaud) qu'il a fait construire
pour protéger des Normands les 27 hectares de la Ville. Il leur
attribua des terrains à l'intérieur de l'enceinte pour
construire un monastère (nommé
Saint-Walloy ou Saint-Wallois) et héberger les reliques de
saint Guénolé.
[ Dans le Maine, le développement du culte de saint Gwennolé
est peut-être largement postérieur au passage des moines de
Landévennec. En effet, Gervais, évêque du Mans de 1036 à
1055, fit construire l'église Saint-Guingalois de Château-du-Loir
(paroisse dont il était natif), et la crypte reçut les
reliques de saint Guénolé. Mais en 1078, Foulques IV d'Anjou
s'empara des reliques pour les transporter à Angers, où on les
retrouve ensuite à l'église Saint-Laud.]
Josse
(saint).- Son nom vient du vieux breton Iudoc, qui a donné la
forme latine Iudocus ou Judocus, les formes romanes Judoce et
Josse, et les formes bretonnes Uzec, Uec. Une forme "sant
Jeg" est aussi connue à Yvias près de Paimpol.
Vers 630, sous le règne du roi Dagobert, le jeune prince de
Domnonée Iudoc (Judoce, Josse) refuse la succession de son frère,
et part pour un pèlerinage vers Rome. C'est ce que nous raconte
la tradition. C'est pourtant à Paris qu'on le retrouve. Il
semble jouer un rôle d'ambassadeur, sans que l'on sache quels
étaient les objets de ces négociations.
Il profite aussi de son séjour à Paris pour parfaire ses études
classiques, et se fait remarquer des dignitaires ecclésiastiques,
qui lui confient une mission vers le comte de Ponthieu, Haymon,
lequel semble porter aussi le titre de dux Franciae Maritimae,
et réside à Quentovic, c'est-à-dire vraisemblablement
Montreuil.
Ordonné prêtre, Judoc passe quelques années à la résidence
d'Haymon, s'installe vers 643 à Brahic non loin de Montreuil,
puis vers 652 à Runiac (Saint-Martin-d'Esquincourt), et enfin
vers 664 à Schaderias (Saint-Josse-sur-Mer) à l'embouchure de
la Canche, à 7 km à l'ouest de Montreuil, où il installe son
ermitage (cella maritima).
Saint Josse mourut en 669 et fut inhumé à Schaderias, qui prit
son nom, et où un monastère fut bientôt construit sous le nom
de Saint-Josse.
Le culte de saint Josse se répandit dans toute l'Europe, et
l'on compte jusqu'à 55 lieux de culte, y compris au Danemark,
en Suisse, en Autriche, en Allemagne, en Grande-Bretagne, etc.,
ce qui en fait un saint éminemment européen.
A Montreuil même, deux églises étaient anciennement dédiées
à saint Josse : l'une au bord de la Canche, Saint-Josse-au-Val,
à l'emplacement d'un oratoire qu'il aurait créé ; l'autre,
Saint-Josse dans les murs, à l'intérieur de l'enceinte
primitive. Cette église disparue était fort proche de l'abbaye
Saint-Wallois, et a pu être à l'origine de la fondation du
monastère par les moines de Landévennec, le nom de
Monasteriolum étant devenu Mosteriol puis Montreuil.
Cette église, dont les fondations remontaient au VIIIe siècle,
comportait sous l'autel un puits d'environ 6 mètres de
profondeur, qui donnait accès à un caveau de 5 mètres de long
: il s'agit probablement de la "confession"
du saint, qui permettait de conserver les reliques, et reçut
sans doute celles des saints qui vinrent plus tard de Bretagne.
A
Paris avait été fondée également une église Saint-Josse,
qui aurait subsisté jusqu'à la Révolution.
Le nom Iudoc, dont l'évolution normale aurait dû être Izec, a
donné en breton la forme Uzec, réduite éventuellement à Uec,
d'où les noms de lieux Saint-Uzec et Lohuec. En français et
gallo, la forme Judoce s'est vue réduite à Josse, d'où
Saint-Judoce (Côtes-d'Armor) et Saint-Josse (Pas-de-Calais).
Dans les langues germaniques, le nom est connu sous les formes
Jos, Joos ou Joost.
Magloire
(saint).- L'un des successeurs de Samson à la tête de l'évêché
de Dol. Vers la fin de sa vie, il se retira à l'île de Sercq où
il mourut. Lorsque le monastère de Léhon
fut construit près de Dinan, les moines n'hésitèrent pas à
aller chercher le corps de saint Magloire pour le rapatrier sur
le continent. Ainsi fut fondée l'abbaye Saint-Magloire de Léhon,
qui fut pendant plusieurs siècles un prieuré rattaché à
l'abbaye de Marmoutiers (près de Tours, Indre-et-Loire).
Lors des invasions normandes, les moines de Léhon décidèrent
de partir vers la Francia au Xe siècle, en emportant un nombre
important de corps saints, présents à Léhon ou regroupés en
ce lieu en vue du départ. L'exil se fit par Sablé, Angers et
Orléans. La destination finale fut Paris, où la création d'un
monastère s'en suivit. Ce fut l'origine de l'importante abbaye Saint-Magloire
de Paris, aujourd'hui disparue.
Le texte de la "Translatio S. Maglorii" fut
publié par Mabillon, et intégré par Lucien Merlet dans sa
notice sur "Les origines du Monastère de Saint-Magloire"
(1896). On peut lire aussi le travail récent d'Hubert Guillotel
: "L'exode
du clergé breton devant les invasions scandinaves",
in Mémoires de la Société d'Histoire et d'Archéologie de
Bretagne (M.S.H.A.B.), tome LIX, 1982, p. 268-315, et plus
particulièrement l'appendice : "Translatio
sancti Maglorii", p. 301-315.
Malo
(saint).- Extrait des "Vies des saints de Bretagne
Armorique" d'Albert Le Grand (1636), sur les reliques
du saint revenant de Saintonge après sa mort :
"Elles furent donc receuës avec des grandes réjouïssances
à Becherel, d'où elles furent portées à Dinan puis à
Chasteau-Neuf sur Rance, où l'Evêque d'Aleth & le Clergé
les attendoient & les receurent des mains du gentil-homme
qui les avoient apportées. On les porta en son Eglise
Cathedrale de saint Pierre d'Aleth, & une partie en l'Abbaye
de saint Vincent en l'Isle d'Aaron, où elles ont esté
long-temps conservées, jusqu'à l'an neuf cens septante-cinq
qu'elles furent portées à Paris, regnant le Roy Lothaire, qui
les fit mettre en sa Chapelle, qui étoit celle qu'à present on
appelle de S. Michel en l'enclos du palais, d'où elles furent
transportées en l'Abbaye de saint Magloire,
&, depuis encore, en l'Eglise de S. Jacques du Haut Pas;
& fut la memoire de S. Malo si douce à ses Diocesains, que
le Siege d'Aleth ayant esté transferé par saint Jean de la
Grille, en l'Isle d'Aaron, tout le Diocese & la nouvelle
ville qu'on avoit bâtie fut nommée & s'appelle encore à
present Saint-Malo, qu'on dit communément de l'Isle, pour la
distinguer de Saint-Malo de Baignon, belle Seigneurie
appartenante aux Seigneurs Evêques de Saint-Malo.
"
Albert Le Grand signale le transfert des reliques de saint Malo
à Paris (abbaye de Saint-Magloire);
Dom Lobineau confirme ce transfert. Il précise qu'en 1582, après
leur départ de l'abbaye Saint-Magloire, on les trouve dans l'abbaye
de Saint-Victor, dans une châsse de cuivre. "Le corps
était presque entier, à l'exception cependant du chef, d'un
bras qui avait été rendu à la cathédrale de Saint-Malo, de
quelques ossements donnés à l'église Saint-Maclou de
Pontoise, et d'une côte qu'obtint la ville de Bar-sur-Aube
[Aube], où une collégiale fut établie en l'honneur du saint
évêque. En 1706, la paroisse de Saint-Maclou de Moiselles [Val
d'Oise], près de Versailles, fut enrichie d'un os de l'épaule
de son patron, qu'elle conserve encore. [suite : ajout de
l'abbé Tresvaux] C'est peut-être la seule relique du saint
qui subsiste maintenant. Celles qui étaient à Saint-Victor ont
été détruites ou dispersées lors de la suppression de cette
abbaye en 1791. La persécution a été si horrible dans la
ville de Saint-Malo, pendant la révolution, que cette Eglise a
aussi perdu celle qu'elle possédait."
Mais certaines des reliques de l'abbaye Saint-Magloire avaient
pu être transférées, à une époque non précisée, vers Montreuil.
Maudez, Mandé (saint).- La forme la plus ancienne
du nom semble être Maudetus, devenue en breton "Maudez".
La réduction bretonne de la diphtongue a donné le moderne
"Modez". Une forme latine "Mandetus" a existé,
accompagnant la réduction romane de la diphtongue d'une
nasalisation. Dom Lobineau nous dit qu'il se retira, après
avoir vécu au monastère de Tréguier, dans son ermitage de
Lanmaudez, puis dans l'île Saint-Maudez près de Bréhat, où
il décéda. Les reliques du saint furent exportées vers la région
parisienne au Xe siècle, et une petite chapelle fut construite
dans la forêt de Vincennes pour y déposer les reliques. Un
prieuré fut bientôt construit à proximité, portant le nom de
Saint-Mandé. Un acte du 25 juin 1203 le
mentionne comme dépendance de l’abbaye de
Saint-Magloire. Un village se créa bientôt, et
l'agglomération prit le nom de Saint-Mandé, qu'elle porte
encore aujourd'hui.
Extraits de Dom Lobineau et l'abbé Tresvaux :
"Les Normands ravageant les environs de Tréguier en 878,
le corps de S. Maudez fut emporté hors de Bretagne, par les
religieux de son monastère, et déposé dans l'église de
Bourges, où il est resté, pour la plus grande partie, jusqu'à
l'époque des ravages des Calvinistes. Le comte de Penthièvre,
fondateur de l'abbaye de Beauport, de l'ordre de Prémontré, au
diocèse de Saint-Brieuc, obtint dans la suite, de l'église de
Bourges, le chef de ce saint, et en enrichit cette nouvelle
abbaye, d'où il a été porté dans l'église de Plouézec qui
le conserve maintenant. Il y a eu encore d'autres églises qui
possédait de ses reliques, et entre autres celle de l'abbaye de
Paimpont, au diocèse de Saint-Malo. L'ancienne cathédrale de
Tréguier en a aussi une portion assez considérable. [...]
Dans le IXe ou Xe siècle, des religieux bretons portèrent à
Paris quelques-unes des reliques de ce saint abbé, et ils y bâtirent,
très-près de Vincennes, sous son invocation, une chapelle, qui
dans la suite devint un prieuré dépendant de l'abbaye de
Saint-Magloire. On conserve encore dans cette chapelle, devenue
église succursale depuis la révolution, un os d'un bras de S.
Maudez. Il s'y faisait autrefois un grand concours le 14 mai,
jour où l'on célébrait la translation de cette relique. Cette
dévotion envers le saint n'a pas entièrement cessé. On va à
Saint-Mandé, c'est ainsi qu'on l'appelle à Paris, pour obtenir
la guérison des enfants malades, et son office se célèbre
solennellement dans cette église le dimanche le plus prochain
du 18 novembre."
Melaine
(saint).- Evêque gallo-romain de Rennes décédé en 530, il
fut enterré près de la ville, à l'emplacement de la future
abbaye Saint-Melaine. Dom Lobineau nous dit que Grégoire de
Tours, dans le 55e chapitre de son ouvrage "De la Gloire
des confesseurs", signale que le feu ayant pris dans l'église
construite sur son tombeau et l'ayant entièrement détruite, le
cots du saint évêque ne fut pas endommagé. Les reliques du
saint seraient ensuite allées à Bourges en 853 pendant les
ravages des Normands. Au 13e siècle, une partie des reliques
seraient revenues de l'abbaye de Preuilly en Touraine. En 1679,
lors de l'installation d'une nouvelle chasse, "il se trouva
dans la vieille châsse un nombre d'ossements considérable".
Il semble qu'après la Révolution il ne reste plus dans
l'ancienne église de l'abbaye
Saint-Melaine qu'un morceau du tibia du saint, qui serait
aujoud'hui à la cathédrale de Rennes.
Patern
(saint).-
Dom Lobineau date sa mort de 448, à l'âge de 90 ans. Ses
reliques étaient conservées à Vannes, dans une église
construite en son honneur ; "mais, lorsque les ravages des
Normands en France, au IXe siècle, firent craindre qu'elles ne
fussent profanées, on les emporta hors de Bretagne, et les
religieux de Marmoutier [près de Tours] les eurent, dit-on, en
garde pendant quelque temps. Elles furent ensuite, vers l'an
1000, transférées à l'abbaye nouvellement fondée à
Issoudun, puis placées dans l'église d'un prieuré qui portait
le nom du saint évêque et dépendait de cette abbaye. Jusqu'à
la révolution, elles ont été conservées dans un tombeau en
pierre, élevé sur quatre piliers. Le chef et l'un des bras étaient
dans des reliquaires séparés, et on les portait en procession.
Lors de la suppression des ordres religieux, l'église du prieuré
de Saint-Patern fut fermée, et ses reliques déposées dans
celle de Saint-Cyr d'Issoudun, où bientôt elles devinrent la
proie des révolutionnaires, qui les dispersèrent. Des
personnes pieuses sauvèrent quelques débris du chef, et le
bras entier, qu'on expose encore aux fêtes solennelles. L'église
paroissiale de Saint-Patern, à Vannes, possède une petite
partie du crâne de son patron, enchassée dans un buste en bois
peint." (texte complété par l'abbé Tresvaux).
Albert Le Grand nous précise qu'à Vannes "fut édifiée
une belle Eglise, laquelle fut dediée en l'honneur de saint
Patern, & est une des Paroisses de la Ville de Vennes, où
demeura le Corps de saint Patern, jusques à l'an de salut 878.
que, pour crainte des Barbares, Normands & Danois, qui,
ayant mis pied à terre en Bretagne, ravageoient tout le pays,
il fut transporté, avec le Corps de saint Corentin, au
Monastere de Marmoûtiers lés Tours".
Paul-Aurélien
(saint).- décédé vers 570, "ses saints Ossemens,
richement enchassés, [furent déposés] parmy les autres
Reliques de son Eglise de Leon, où ils ont esté reveremment
gardez & religieusement visitez par les Bretons &
estrangers jusques à l'an de grace 878, que les danois, estans
descendus en Bretagne Armorique, ravagerent le pays, renversans
les Eglises, brûlans les saintes Reliques & mettans tout à
feu & à sang par tout où ils passoient. Liberal, pour lors
Evesque de Leon, enleva les Reliques de S. Paul & les porta
au Monastere de S. Florent, là où elles
ont demeuré jusques à l'an 1567, que les Huguenots, s'estans
rendus maistres de ce celebre Monastere, brûlerent ou jetterent
les saintes Reliques et butinerent les riches Chasses où elles
estoient encloses." (Albert Le Grand)
Le récit de dom Lobineau est différent : "Mabbo, évêque
de Léon, qui vivait vers le milieu du Xe siècle, transporta
les reliques de S. Paul à Fleury-sur-Loire,
où il se retira et où il mourut. La châsse de S. Paul fut
mise auprès de S. Benoît, et toutes les deux furent renfermées
dans une caisse revêtue d'argent. Les reliques du saint évêque
furent en partie brûlées et en partie dispersées, lorsque les
Calvinistes désolèrent ce monastère et pillèrent son trésor.
L'église de Léon n'a pas été entièrement dépouillée des
reliques de son patron ; elle possède encore son chef, un os
entier de son bras droit, et de plus un doigt intact, renfermé
dans une boîte d'argent, avec cette inscription : Doet de
M.S.Paul, évêque et patron de Léon. Ces reliques ont été
visitées et reconnues authentiques, le 6 juillet 1809, par M.
Dombidau de Crousheilles, évêque de Quimper. On gardait
autrefois une partie de la tunique de S. Paul dans l'église de
l'abbaye de Saint-Victor à Paris, et l'autre partie dans celle
de Saint-Magloire, de la même ville." (texte complété
par l'abbé Tresvaux).
Samson
(saint).- Selon "les vies de saints de Bretagne" de
Dom Lobineau (édition de l'abbé Tresvaux, 1836), "L'église
cathédrale, aujourd'hui paroissiale, de Dol porte le nom de S.
Samson, aussi bien que plusieurs églises paroissiales dans
d'autres diocèses. Son corps fut enlevé de celle de Dol, du
temps des Normands, et porté à Paris, sous le roi Lothaire [Duchêne,
tome 3, pag.344], par Salvator, évêque d'Aleth, avec plusieurs
autres corps saints, et depuis une partie fut rapportée en
Bretagne. L'église de Dol possédait un fémur, quelques
fragments d'autres ossements et quelques vertèbres de son saint
patron. Ces saintes reliques furent visitées et transférées
dans une châsse neuve, le 24 décembre 1579, par l'évêque
diocésain nommé Charles d'Espinai. A l'époque de la révolution,
elles étaient placées à côté du maître-autel de la cathédrale,
dans un très-beau et très-grand reliquaire ; mais elles sont
maintenant détruites. Quant au reste du corps de S. Samson,
laissé à Paris, il fut partagé entre l'église de S. Barthélémi
et la ville d'Orléans. Dans cette dernière, on bâtit en
l'honneur du saint évêque une église qui a été occupée par
les Jésuites, jusqu'à leur destruction. Ils ne possédaient
pas les reliques de S. Samson ; elles avaient été si bien cachées,
du temps des ravages de Protestants, dans le XVIe siècle, qu'on
n'a jamais pu les retrouver. Peut-être furent-elles alors
l'objet de la fureur de ces impies. Les ossements conservés à
Paris étaient en dernier lieu dans l'église de Saint-Magloire,
ils se trouvent maintenant dans celle de
Saint-Jacques-du-Haut-Pas."
Tudgual
(saint).- Le nom a été déformé en français en "Tugdual".
Dom Lobineau et l'abbé Tresvaux nous disent : "Pour
soustraire les reliques de s. Tugdual aux profanations des
Normands, l'un de ses successeurs dans le IXe siècle, appelé
dans les actes de S. Tugdual Gorennan, les emporta hors de
Bretagne en 878. Il voulut les remettre à l'Eglise de Chartres,
où elles avaient déjà été conservées pendant d'autres
troubles ; mais en passant par Laval, le bon accueil qu'il reçut
des habitants de cette ville et les services qu'ils lui
rendirent le touchèrent tellement qu'il leur donna une partie
considérable du précieux trésor dont il était dépositaire.
Il porta le reste à Chartres, où il fut divisé la même année
entre cette Eglise, qui retint son chef et quelques ossements,
la collégiale de Saint-Aubin de Crépy-en-Valois, et la ville
de Château-Landon. La portion des reliques qui était à Laval
fut en 1406 placée dans l'église de Notre-Dame, où se
trouvait un chapitre, qui prit le nom de Saint-Tugal et qui a
subsisté jusqu'à la révolution. Les ruines de cette église
n'ont entièrement disparu qu'en 1834. ces reliques, conservées
autrefois dans une belle châsse d'argent et qui consistent en
fragments de tibias et fémurs, le sont encore maintenant dans
une châsse de bois doré, et c'est l'église paroissiale de la
Trinité qui les possède. Elles furent visitées par M. de
Tressan, évêque du Mans, le 16 juillet 1674, et récemment, le
20 avril 1826, par M. de la Mire Mory, son successeur dans ce siège.
Celles de Château-Landon se trouvaient dans une église qui était
tout à la fois prieuré et paroisse. Elles consistaient en l'os
d'une épaule et deux petits ossements. Renfermées dans une
chasse d'argent, elles y furent pendant longtemps l'objet de la
vénération des fidèles ; mais en 1568, les Calvinistes, s'étant
emparés de Château-Landon, prirent ces saintes reliques et les
jettèrent au feu. Une femme eut le courage de se mêler parmi
eux, et d'arracher des flammes l'os de l'épaule, qu'elle sauva
et rendit à l'église qui le possédait. l'Eglise de Chartres a
perdu dans la révolution le chef du saint et les autres
ossements qu'elle conservait. Une châsse de vermeil, de petite
dimension, mais très-ornée, les renfermait ; cette châsse était
anciennement placée derrière le maître-autel de la cathédrale.
On croit que c'est de Chartres qu'un évêque de Tréguier a
obtenu les reliques de s. Tugdual, qu'on voit maintenant dans
cette dernière ville, et qui sont des fragments d'os de bras,
enchâssés autrefois dans un bras d'argent, cachés pendant la
révolution, et placés depuis dans un beau reliquaire de bronze
doré qui a été donné par Monseigeur de Quelen, archevêque
de Paris."
Winoc
(saint).- Ayant quitté la Bretagne au VIIe siècle en compagnie
de saint Josse, il fut accueilli à l'abbaye de Sithiu à
Saint-Omer (Pas-de-Calais), d'où saint Bertin l'envoya fonder
un monastère en Flandre à Wormholt (Nord) ; il est le patron
de la paroisse, devenue Wormhout, où il décéda le 6 novembre
717. Ses restes furent transportés à Saint-Omer au IXe siècle
pendant les invasions normandes, qui ruinèrent le monastère de
Wormhout. A peu de distance, une église fut construite vers 900
sur une colline (Groenberg), et le corps de saint Winoc y fut
transporté. Ce fut l'origine de la paroisse de Bergues
Saint-Winoc (SintWinoksBergen), où une abbaye fut fondée au Xe
siècle.
Le prénom Winoc fut d'usage courant dans la région.
Le nom du saint a subsisté également en
Bretagne, où saint Winoc est patron de la paroisse de Plouhinec
dans le Finistère. Cependant, l'étymologie du nom ne confirme
pas ce lien, puisque le nom contient le mot vieux breton ethin,
ajonc ; Plouhinec est donc la paroisse où pousse de l'ajonc, et
il serait intéressant de savoir à quand remonte le culte de
saint Winoc dans cette paroisse.
Selon Dom Lobineau et l'abbé Tresvaux, "On
conserve très-religieusement, à Bergues, le corps de S. Winnoc
qui est porté tous les ans en procession le jour de la Trinité,
et trempé dans la rivière de Colme, qui passe au pied de la
ville [...]. Son chef était dans un buste très-riche, et le
reste de ses ossements dans une châsse d'argent. Lors de la
spoliation des églises en 1792, on déposa ces saintes reliques
dans deux boîtes qui furent scellées et placées dans une
armoire du presbytère, où elles restèrent jusqu'en 1820. A
cette époque, le curé de la paroisse, désirant augmenter le
culte du saint patron, fit appeler plusieurs notables de la
ville, qui avaient été présents à l'extraction des reliques
en 1792 ; ils reconnurent les boîtes dans lesquelles on les
avait alors enfermées, et déclarèrent que ces boîtes
n'avaient subi aucun changement. Un acte fut rédigé en conséquence
et adressé à M. l'évêque de Cambrai, qui décida que les
reliques étaient authentiques. On en fit, le 8 juin 1820, une
translation qui attira un concours extraordinaire de peuple.
Depuis, les ossements du saint ont été replacés dans un buste
et une châsse d'argent qui ont coûté près de 18,000
francs"

ABBAYES
Le
Bourg-Dieu.- Fondée en 917 dans l'Indre
à Déols (importante cité gallo-romaine qui sera remplacée
plus tard par Châteauroux créé à proximité), l'abbaye bénédictine
du Bourg-Dieu reçut les moines de Rhuys en 920. Elle fut dévastée
par les Huguenots au 16e siècle, et supprimée en 1622.
Floriac,
ou Fleury.- Située sur la commune de Saint-Benoît-sur-Loire
(Loiret) à 30 km à l'est d'Orléans, cette abbaye fut pillée
par les Normands en 910. C'est de là que partirent les
restaurateurs de l'abbaye de Saint-Gildas de Rhuys le siècle
suivant. Pourtant, il est peu probable que les reliques de saint
Gildas y soient arrivées, après leur éventuel séjour à Déols.
Celles-ci sont considérées comme étant restées
(partiellement ou totalement) à Rhuys. Elles n'avaient en effet
aucune chance de s'imposer à Fleury, où les reliques de saint
Benoît, le fondateur de l'ordre des Bénédictins, avaient été
ramenées en 672 ou 673 du Mont-Cassin (Italie) ; il y était
mort vers 547 et y avait été enterré à côté de sa soeur
(parfois dite jumelle) sainte Scholastique, fondatrice de
l'ordre des Bénédictines.
Voir sur le site internet de l'abbaye de Saint-Benoît quelques
commentaires sur le rapt (que l'on appelait plus volontiers
"translation") des restes des deux "jumeaux"
: http://www.abbaye-fleury.com/reliques.htm
Considéré comme le père du monachisme occidental, saint Benoît
a été proclamé "patron de l'Europe" par le
pape Paul VI en 1964.
Marmoûtiers.-
Saint Martin fonda ce monastère aux portes de Tours. Ce fut une
abbaye célèbre, qu'il ne faut pas confondre avec Marmoutier
dans le Bas-Rhin (aujourd'hui, un "s" a été ajouté
au nom de l'abbaye de Tours). Elle eut beaucoup de relations
avec la Bretagne, et l'abbaye de Saint-Magloire de Léhon, déclassée
par celle de Paris, en devint un prieuré. Elle a longtemps possédé
les reliques de saint Corentin.
Saint-Florent
le Vieil.- Le monastère de
Saint-Florent fut fondé au VIIe siècle sur le Mont-Glonne,
qui surplombe la rive sud de la Loire, face à la Bretagne, à
10 km à l'est d'Ancenis. En 853, les Normands investirent le
site, et s'installèrent à demeure au pied du mont, sur l'ïle
Batailleuse, d'où ils rançonnaient le monastère. Les
chroniqueurs de Saint-Florent font les mêmes reproches aux
Normands et aux Bretons, et rapportent que Nominoë imposa une
rançon au monastère à partir de 849. En 866, les moines
fuirent vers l'est, et le monastère de Saint-Florent le Jeune
fut fondé près de Saumur au Xe siècle. Pourtant, le monastère
de Saint-Florent le Vieil devint une importante abbaye bénédictine,
jusqu'au XVIIIe siècle. Selon Albert Le Grand, les reliques de
saint Pol de Léon s'y trouvaient, et disparurent lorsque les
Huguenots pillèrent l'abbaye en 1567. mais Dom Lobineau semble
affirmer que c'est à Fleury-sur-Loire que se trouvaient ces
reliques. Il faut donc admettre qu'il y eut probablement
confusion entre les deux noms Floriac et Florent.
Saint-Josse-sur-Mer.-
Un monastère fut fondé à quelques kilomètres à l'ouest de
Montreuil-sur-Mer après la mort de saint Josse en 669, attirant
une foule de pèlerins désireux d'invoquer le saint, déjà vénéré
de son vivant. Ce monastère apportait des revenus non négligeables,
et fut bientôt rattaché à l'abbaye de Ferrières. A l'époque
des invasions normandes, les reliques de saint Josse furent
transférées en Grande-Bretagne vers 903, à l'abbaye de Hyde
près de Winchester fondée par un religieux de Saint-Bertin.
Les moines revinrent par la suite, et l'abbaye de
Saint-Josse-sur-Mer fut très prospère pendant des siècles.
Elle contribua certainement à la propagation du culte de saint
Josse dans toute l'Europe. Pourtant l'abbaye décline au XVIe siècle,
époque où son église tombe partiellement en ruine. Les bâtiments
n'existent plus aujourd'hui, et les reliquaires du saint ont été
transférés à l'église paroissiale. Le culte de saint Josse
est encore très vivant aujourd'hui, et la neuvaine entre la
Pentecôte et la Trinité est l'occasion de fêtes importantes
lors du pèlerinage annuel. Une procession longue de 14 kilomètres
se déroule le mardi de la Pentecôte en parcourant avec la châsse
du saint des lieux attachés à son souvenir et à ses actions
miraculeuses. Une seconde procession plus réduite a lieu le
dimanche de la Trinité, avant la grand-messe en plein air.
Saint-Magloire
de Léhon .-
Abbaye fondée près de Dinan (Côtes d'Armor) au IXe siècle à
l'occasion d'une donation de Nominoé. Les moines fondateurs
organisèrent la translation du corps de saint Magloire depuis
l'île de Serk, où il s'était établi après avoir succédé
à saint Samson à Dol, et où il était décédé. Il est
probable que c'est avant le pillage de l'abbaye par les Normands
que fut décidé l'exil des corps saints rassemblés à Léhon
à cette intention, opération qui selon l'abbé Tresvaux avait
été menée par Salvator, évêque d'Aleth. L'abbaye fut
restaurée au XIe siècle, et fut d'abord un prieuré de
l'abbaye Saint-Magloire de Paris, puis au XIIe siècle fut
rattachée à l'abbaye de Marmoutiers
près de Tours. Les bâtiments de l'abbaye survécurent à la Révolution,
et leur restauration fut entreprise au XIXe siècle.
L'église abbatiale est aujourd'hui l'église paroissiale. Elle
contient un petit reliquaire hébergeant des "Fragments des
ossements des Saints Magloire, Samson, Leutiern et Gueganton et
Scophili et de plusieurs autres saints" selon la mention
qui y était associée. Ces reliques, retrouvées en 1987 au
fond d'un grenier de l'abbaye, "avaient probablement été
rapatriés à Léhon au XIXe siècle par l'intermédiaire de Mgr
de Lesquen, évêque de Beauvais et de Reims, natif de Trégon
qui se retira à Dinan jusqu'à son décès en 1855." [B.
Merdrignac, Ar Men n. 23, oct. 1989, p. 47]. L'abbaye se visite
aujourd'hui pendant les mois d'été. Pour une visite à
distance en images, allez à http://perso.wanadoo.fr/lehon-22/